Les perles d’azur

Je plonge mon regard sur les flots azurés où des perles étincelantes glissent et meurent en nombre infini. Le ciel caresse l’horizon. Tout est à la foi si grand et trop étroit. L’immensité du monde ne peut être contenu et ce paysage marin, serein et mélodieux s’insère dans l’univers. Le parfum de la mer, la musique de l’eau s’imprègne partout. La quiétude s’empare de tout mon être. Le flux et le reflux, s’entêtent, comme un rêve cadencé…

L’été a tiré sa révérence. Septembre s’épuise à vouloir transporter des haleines tièdes. La brise évoque des souffles printaniers. La demeure dans laquelle je me trouve laisse passer, par les fenêtres ouvertes, ce parfum indescriptible qui remonte des profondeurs du temps. Dans le miroir, en face de moi, se dessine une silhouette irréelle. Un tissu soyeux et immaculé étreint ma peau et retombe en un large cercle vaporeux. Sur mes cheveux relevés, desquels partent des mèches ondulées, quelqu’un a posé une couronne de fleurs.

J’entends des rires qui résonnent dans les couloirs de la maison. Trois jolies petites filles viennent m’attendre. Elles sont vêtues comme des princesses et leur visage me rappelle celui des anges que l’on représente parfois sur les frontons ou dans les églises. Je partage avec elle leur joie. Ou, plutôt, ce sont elles qui désirent participer à ma joie.

Soudain, je me dérobe et, d’un pas décidé, me dirige vers l’extérieur. Il est temps de partir rejoindre celui qui sera très bientôt mon mari. Je déambule dans cette vaste demeure avec un sentiment étrange. Tous les bruits et les éclats joyeux de voix se sont tus. J’entends l’écho de mes pas et les battements de mon cœur. Soudain, la lumière vive, qui pénètre dans le hall d’entrée, m’éblouit. Je sens le vent léger m’apporter les capiteuses fragrances des roses d’automne. Des visages se tournent vers moi, figés et sans expression. Toute joie a disparu.

Il ne viendra pas au rendez-vous nuptial. Il ne viendra plus. L’aube de ce jour a vu son départ pour un autre monde. J’écoute, hébétée, la personne qui a le courage de m’expliquer tout cela. J’entends ces paroles, puis tout devient flou autour de moi. L’univers a disparu et je ne sais plus où je me trouve, ni ce que je fais… La nuit de la souffrance m’étreint et m’anéantit.

Je n’aime plus le parfum des roses. Je préfère respirer l’air marin. Et, dans les flots de la Méditerranée, je contemple les perles d’azur. Puis, je regarde vers le ciel. Je sais qu’il veille sur mes jours. Il s’appelait Gabriel.

texte écrit par Isabelle Gimbault le 7 octobre 2022 © Isabelle Gimbault – toute reproduction interdite sans l’accord de l’auteur