LE DOMAINE DES SYLVES DE FLORE

FLORA DE LA FORÊT

Le domaine des Sylves de Flore

             Les terres de la famille Reynans étaient trop étendues pour être clôturées. Néanmoins, l’on avait l’habitude d’y accéder par un ancien et majestueux portail en fer forgé, flanqué de deux imposants pilastres. L’on pouvait lire, sur l’une des colonnes, le titre d’une épigraphe, burinée dans la pierre, que le temps avait en partie dégradée : Les Sylves de Flore.

            Au fil des ans, les gens du pays prirent l’habitude de dénommer ces terres le domaine des Sylves ou, plus simplement, le domaine. Elles se déployaient sur deux cent hectares, constitués surtout de forêts, mais aussi de friches, de prés et de jardins cultivés.

              Une gracieuse demeure de maître, que certaines personnes appelaient parfois le manoir, avait été construite au milieu du XVIIIe siècle. Elle avait toujours appartenu à la famille Reynans.

          Le visiteur, après avoir franchi la haute grille et suivi une allée bordée de tilleuls centenaires, atteignait une aire pavée où, d’ordinaire, l’on garait les véhicules. À cet endroit, un talus, coiffé par une haie de viornes, d’aubépines et de lilas, dissimulait la vue sur la grande demeure. Il fallait emprunter un chemin qui grimpait jusqu’à la rangée d’arbustes, contourner ces végétaux pour découvrir la bâtisse qui se dressait, mystérieuse, au milieu d’une opulente nature. Elle dévoilait sa façade nord, immuable, avec son porche central, orné de volutes en métal, qui protégeait une lourde porte d’entrée.

            La face sud surplombait une large terrasse bordée d’une balustrade en pierre, patinée par le temps. Sur le dallage, s’alignaient de grandes jardinières en terre cuite de Toscane qui accueillaient des massifs de fleurs et des arbustes d’ornement. Une pergola en fer forgé, relativement récente, supportait une robuste vigne vierge, dont les tiges vaillantes se mêlaient à celles des rosiers grimpants et des lumineuses clématites bleues. Cet entrelacs formait, à la belle saison, une voûte de feuillages d’où pendaient, çà et là, des ramilles fleuries. Lorsque la brise venait troubler ce faîtage végétal, suscitant quelques trouées vacillantes, les rayons du soleil en profitaient pour s’infiltrer et répandre dans l’ombrage diffus des centaines de diamants fugaces.

           Près de la terrasse naissait une source limpide, contenue par une vasque adossée à une paroi moussue. Le muret de cette fontaine retenait l’eau qui, souvent, débordait et allait se répandre dans un bassin inférieur et peu profond où elle prenait alors une teinte glauque. Là était le règne de plantes aquatiques, des rainettes, salamandres et autres animaux singuliers. En été, s’élevait un parfum fade qui se mêlait aux senteurs de menthe, de végétaux capiteux et de terre mouillée.

            Plus loin, un parc, ponctué de parterres cultivés, offrait la fraîcheur et l’élégance des jardins anglais ou prenait, par endroits, des airs de campagne toscane. Cet agencement ne suscitait pas un mélange discordant, mais dénotait beaucoup de délicatesse et dégageait un charme insolite. Un ruisseau nonchalant traversait ce lieu puis allait rejoindre les prés, vers le couchant, où somnolaient des étangs. Au sud, des collines boisées s’élevaient à peine, délimitaient l’horizon et s’amenuisaient ensuite du côté ouest.

            Pour se rendre directement dans le jardin fleuri, depuis la maison, l’on devait descendre quelques augustes marches et suivre une allée pavée, surmontée d’une tonnelle assaillie par une vigoureuse glycine. Ensuite, le chemin se séparait en trois. Tout droit, il atteignait l’épaisse forêt. À gauche, vers l’est, il partait rejoindre les communs, l’écurie, ainsi qu’un potager et un verger généreux, puis il bifurquait et allait se perdre dans les profondeurs des bois. À droite, il s’amenuisait en direction des friches et des prés, où paissaient quelquefois des chevaux. Cependant, dans ces espaces de liberté, les voies se faisaient rares et inutiles.

             Une ancienne dépendance du domaine s’étirait en longueur, parallèle à la façade est de la maison de maître. Elle avait été rénovée afin d’abriter deux logis, séparés, au rez-de-chaussée, par un couloir commun. Et l’un d’eux était destiné au garde particulier.      

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 © Isabelle Gimbault – Toute reproduction interdite sans l’autorisation de l’auteur.

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